Bonjour à tous, notre dernière discussion sur l'identité depuis "trouble dans le genre" n'est pas close, évidemment; Elle était très riche et chacun a pu rester sur sa faim. C'est pourquoi je vous invite à venir prolonger cette réflexion grâce au "feed back". sur: :l'impossibilité d'accéder à sa propre essence, l'absence de repères et d'autorité, la nature comme cadre et autorité, la liberté d'être soi-même malgré ou avec la nécessité? Nous reprendrons ces fils.....
et s'il nous reste du temps: Pour ouvrir encore cette réflexion, je vous envoie en pièce jointe ce texte de Walter Benjamin extrait de "l'oeuvre d'art à l'époque de sa reproduction mécanisée", écrit en 1936. ce texte est une mine d'or!!!! et en voici un nugget! nous en avions parlé l'an dernier à propos de la vérité, de la recherche de l'origine: que devient l'authenticité de l'oeuvre d'art à l'époque de sa reproductibilité ? Ici Benjamin nous parle de l'identité de l'individu à l'époque où "chaque homme a le droit d'être filmé" ? Et à notre époque il a aussi le droit d'être l'auteur du film, ce qui peut changer le rapport au travail. êtes vous d' accord avec l'idée que "la différence entre auteur et public tend à perdre son caractère fondamental" ?
" Il appartient à la technique du film comme à celle du sport que tout homme assiste plus ou moins en connaisseur à leurs exhibitions. Pour s’en
rendre compte, il suffit d’entendre un groupe de jeunes porteurs de journaux appuyés sur leurs bicyclettes, commenter les résultats de quelque course cycliste ; en ce qui concerne le film, les actualités prouvent assez nettement qu’un chacun peut se trouver filmé. Mais la question n’est pas là. Chaque homme aujourd’hui a le droit d’être filmé. Ce droit, la situation historique de la vie littéraire actuelle permettrait de le comprendre.
Durant des siècles, les conditions déterminantes de la vie littéraire affrontaient un petit nombre d’écrivains à des milliers de lecteurs. La fin du siècle dernier vit se produire un changement. Avec l’extension croissante de la presse, qui ne cessait de mettre de nouveaux organes politiques, religieux, scientifiques, professionnels et locaux à la disposition des
lecteurs, un nombre toujours plus grand de ceux-ci se trouvèrent engagés occasionnellement dans la littérature. Cela débuta avec les boîtes aux
lettres que la presse quotidienne ouvrit à ses lecteurs - si bien que, de nos jours, il n’y a guère de travailleur européen qui ne se trouve à même de
publier quelque part ses observations personnelles sur le travail sous forme de reportage ou n’importe quoi de cet ordre. La différence entre auteur et
public tend ainsi à perdre son caractère fondamental. Elle n’est plus que fonctionnelle, elle peut varier d’un cas à l’autre. Le lecteur est à tout moment prêt à passer écrivain. En qualité de spécialiste qu’il a dû tant bien que mal devenir dans un processus de travail différencié à l’extrême -et le
fût-il d’un infime emploi - il peut à tout moment acquérir la qualité d’auteur. Le travail lui-même prend la parole. Et sa représentation par le
mot fait partie intégrante du pouvoir nécessaire à son exécution. Les compétences littéraires ne se fondent plus sur une formation spécialisée,
mais sur une polytechnique et deviennent par là bien commun. Tout cela vaut également pour le film, où les décalages qui avaient mis des siècles à se produire dans la vie littéraire se sont effectués au cours d’une dizaine d’années. Car dans la pratique cinématographique – et surtout dans la pratique russe - ce décalage s’est en partie déjà réalisé. Un
certain nombre d’interprètes des films soviétiques ne sont point des acteurs au sens occidental du mot, mais des hommes jouant leur propre rôle - tout
premièrement leur rôle dans le processus du travail. En Europe occidentale, l’exploitation du film par le capital cinématographique interdit à l’homme de faire valoir son droit à se montrer dans ce rôle. Au reste, le chômage l’interdit également, qui exclut de grandes masses de la production dans le
processus de laquelle elles trouveraient surtout un droit à se voir reproduites. Dans ces conditions, l’industrie cinématographique a tout intérêt à stimuler la masse par des représentations illusoires et des spéculations équivoques. À cette fin, elle a mis en branle un puissant appareil publicitaire : elle a tiré parti de la carrière et de la vie amoureuse
des stars, elle a organisé des plébiscites et des concours de beauté. Elle exploite ainsi un élément dialectique de formation de la masse. L’aspirationde l’individu isolé à se mettre à la place de la star, c’est-à-dire à se dégager de la masse, est précisément ce qui agglomère les masses spectatrices des projections. C’est de cet intérêt tout privé que joue l’industrie cinématographique pour corrompre l’intérêt originel justifié des masses pour le film.